1942-1943
Philippeville na pas été épargnée par la seconde guerre
mondiale. Le jeudi 19 novembre 1942 six transports, deux torpilleurs et trois vedettes
américaines arrivent dans le port et sy installent.
Dans la villa de mes grands-parents, Alphonsine (Deméglio) et Vincent au 7 de
la Rue Mellet, le petit cagibi qui se trouve lendroit le plus protégé car le
plus enfoui sous la terre est transformé en abri. Le propriétaire des lieux, Vincent
Pisani, qui travaille sur les quais reste sagement chez lui car il sait que le port est
maintenant particulièrement visé.
Le 20 novembre à trois heures du matin cest déjà la
première alerte. Elle dure une demi-heure, et dans la matinée se déroule le premier
combat aérien. Un avion ennemi est détruit et sabîme dans la Méditerranée. Au
fil des jours et des nuits, les alertes se succèdent causant en ville des premiers
dégâts et des premières victimes.
Le 23 au matin, la villa est délaissée. La campagne de la
Carrière Romaine semble plus sûre et la famille part donc se réfugier chez Tonton
François. Il était temps!!!
En fait, tous les philippevillois qui habitent la région du port
recherchent un lieu plus sûr.
Vito,( Tonton Vidoutch) le frère de Maria Joséphine Colatrella - Deméglio, et son
épouse Marguerite étaient locataires au 5 de la rue Mellet.Mes grands -parents en
partant leur laissent les clefs et la villa retrouve vite de nouveaux pensionnaires.
Les enfants de Vito sont venus là se réfugier...Quelle mauvaise idée...
Paulette et son fiancé Lucien devant la
maison des voisins , et Paulette en militaire devant le
cochonnier,.
après le bombardement du 23 Novembre
1942
Ce même jour, dans la nuit, une bombe tombe dans le jardin supérieur
détruisant le cochonnier et blessant le cochon que lon dût abattre.
Heureusement , la famille Hern était à l'abri dans la buanderie...
Les tuiles et les vitres alentour ont volé en éclats mais pas de blessé....La maison
voisine abritant Vito et sa famille est davantage endommagée, mais l'alerte avait fait
fuir à temps tout le monde dans l'abri- buanderie ...
Dés lors, les bombardements deviennent plus nombreux et, Vincent
transporte dans la villa sinistrée tous les sacs et le matériel de la
sacherie Carmichaël.
Les meubles ont été stockés dans les deux pièces donnant sur la rue et, les ouvriers
viennent travailler là, sur les hauteurs de la ville, du côté jardin en se sentant bien
moins exposés que sur les quais !
Et notre
famille? Et bien elle, se trouve à quelques kilomètres de Philippeville.... à la
ferme Challéat des Deméglio...
La maison n'est pas bien grande mais en plus d'Alphonsine , Vincent et leurs deux filles
Paulette et Georgette il y a aussi Edith et Laurent Colatrella et leurs fils Jacky et
Pierre .... et encore un couple d'amis de cette famille... Que de monde... mais chacun
s'entraide. Il faut laver le linge dans un baquet dehors et il fait froid.
Alphonsine qui a la charge de préparer les repas est anémiée et c'est Lucien qui de
Tunisie veille sur sa future belle-mère en lui envoyant régulièrement des médicaments.
Maman, elle, souffre d' engelures et ses talons saignent. Il n'y a plus d'école et
si pour les plus jeunes c'est un peu des vacances, la vie n'est pas vraiment facile.
Des souvenirs heureux restent cependant. Jacky apprenait à sa petite cousine Georgette à
endormir les poules.... Il les berçait en les prenant dans ses bras et en enfouissant
leur tête sous leurs ailes . Finalement un peu étourdi, le volatile se laissait ensuite
faire. Il atterrissait dans un trou d'eau et le propriétaire des lieux..... n'était pas
vraiment content!...
Les enfants profitaient aussi des alertes et de l'extinction des feux pour chaparder dans
la soupe un morceau de saucisse ou de viande..A la guerre comme à la guerre n'est-ce pas
? Et, finalement, ils n'étaient pas toujours très sages, les jeunes de ce temps là!...
Et, un soir une grosse frayeur frappa toute la maisonnée : Un chapelet de bombes tomba non loin de la ferme, à proximité du marabout, sur la grimpette empruntée chaque jour. Que visaient là ces stupides avions.?.. Enfin, plus de peur que de mal ...Seulement un grand cratère ...
Les corvées arrivaient aussi régulièrement et ce n'était pas facile de faire la queue dans les files d'attente interminables pour repartir bredouille. Maman malgré son ticket ne put obtenir de chaussures et dû se contenter de celles que l'amie hébergée lui prêta. Les semelles étaient de bois mais c'était mieux que de marcher pieds-nus..; Paulette accompagnait son nouveau Papa tous les jours à la Rue Mellet où il travaillait . Il y avait 3 bons kilomètres à parcourir mais elle était fière de s'occuper de lui et de lui faire réchauffer le manger préparé à la ferme. Les allées Barrot qu'ils traversaient étaient occupées par les américains qui avaient établis là leur quartier général. Ils vivaient dans des tentes installées partout et tout était ouvert La méfiance n'était pas de mise et les larcins étaient courant... Ils étaient ravis de donner quelques friandises et de bavarder un peu..
Dans cette même période, létat dalerte permanente est instauré, des navires sont coulés, le port pourtant protégé par des filins d'acier, est en partie détruit mais malgré les bombardements incessants Philippeville sert à un débarquement de matériel de guerre indispensable.
Ce nest finalement que huit mois plus tard, le 24 juillet 1943 que le petit monde besogneux de la société Carmichael retourne vers le port. La villa abandonne son statut datelier et la famille Pisani s'éloigne de la ferme Challéat pour retrouver son logis en ville.
Philippeville sort de son camouflage le premier novembre 43.
Cest pourtant seulement à partir du 8 juin 1944 que la population retrouve du pain blanc!
Remarque: Un récit du même genre se trouve sur le site de Jacky sites favoris