5- La Rue Mellet , les escaliers et ses commerçants.
En y pensant bien, il fallait vraiment une excellente santé pour habiter des lieux comme la rue Mellet!
Papi et Mamie avaient
certes une belle maison mais elle n'avait pas vraiment que des avantages. Dans leur
quartier peu de personnes possédait un véhicule. Dans leur rue que je qualifierais
davantage de ruelle ne se trouvait aucun garage... Bien habile était celui capable d'y
rentrer un quelconque engin sur quatre roues ! Aucun demi-tour n'étant possible il
fallait si d'aventure on s'engageait, parcourir le trajet retour dans la même position
qu'à l'aller... Le choix restait donc de pénétrer ou de sortir en marche avant!
L'épopée ne manquait pas de charme car la rue s'étalait bien sur six cents mètres, et
son entrée, au niveau de l'école indigène, étant le fief d'une bande de joyeux drills
basanés, le jeu incontournable consistait à grimper sur le pare-chocs afin de se faire
transporter le plus longtemps possible. Certes le véhicule ne pouvait pas aller très
vite mais il s'agissait de voitures particulièrement solides pour ressortir de l'épreuve
sans aucune égratignure. Il va sans dire que ce n'était pas un ou deux passagers
clandestins mais toute une belle grappe de têtes brunes qui se réjouissaient de cette
intrusion. Aucune fille dans cette épique aventure, la rue et les jeux sont l'apanage des
jeunes garçons !
Notre traction puis notre 403 ne se sont guère risquées souvent dans ce passage et restaient sagement garées aux pieds du grand escalier séparant la rue Mellet de la rue des Aurès. Une autre grimpette du même genre plus étroite et plus longue coupait à angles droits ensuite la rue des Aurès et la rue Scipion et il suffisait ensuite d'emprunter une nouvelle et particulièrement large série de plusieurs marches pour atteindre le Collège Emile Maupas niché au creux du théâtre Romain. Devant nous alors s'ouvre la rue Gambetta certes en pente mais la première véritablement bordée de devantures puisque menant à notre église et donc au centre de la ville.
Pour rejoindre leur belle villa si haut perchée dans la ville, impossible donc d'échapper à l'escalade, et Papi qui devait atteindre pour son travail la gare dans un premier temps puis ensuite le port ne devait pas ménager ses pas. Une longue marche quotidienne suivie d'enjambements voila ce qui contribue après tout à une bonne hygiène de vie. Heureusement que les mauvais jours ne s'attardaient pas vraiment dans la région. En tout cas il valait mieux avoir de bonnes pattes. A cette époque, pas de grands supermarchés et les courses s'effectuent quotidiennement. Il était par conséquent bien fréquent de gravir toutes ces marches avec des paniers bien remplis mais, devinez! ils ne contenaient que le nécessaire !
Oh que de souvenirs à la seule évocation des courses avec Papi...Lorsquil allait chez Bourmisse cétait tout un folklore. Létalage talentueux de ce marchand se trouvait dans la rue des Aurès, la première rue en dessous de celle où demeuraient mes grands-parents. Cet épicier navait pas son pareil pour embobiner ses clients, et lépoque des pastèques était « juteuse ».
_« Allez une joulie pastèque por ce soir ; ti veux oir, »
Le client quel quil soit navait alors aucun pouvoir
darrêter sa démonstration. Il semparait dun couteau à lame pointue et
pratiquait sur la dite pastèque quatre incisions en carré, il extrayait alors
triomphalement le morceau découpé en disant
_« ti ois comme elle est rouge », et
là on laissait, impuissants, se dérouler limmuable scénario ! Tout en goûtant il
disait :
_ « Ti vas te régaler » .Et, imperturbablement, il refermait consciencieusement la pastèque avec le bout restant!...
Il est vrai que lon continuait à aller chez lui sans hésitations, et que nous laimions bien !
Chargé des commissions il fallait alors monter un escalier bien large mais aussi bien raide. Il avait la largeur dune rue, était séparé en son milieu par une rampe, et évitait de parcourir un ou même bien deux kilomètres. Pour descendre, il y avait un superbe raccourci : la rampe... Jai toujours eu très envie dessayer, mais primo jétais une fille et secundo ce nétait pas comme il faut, alors, je me contentais dadmirer ceux qui pouvaient se permettre cette glissade merveilleuse !
Les escaliers que nous empruntions ensuite pour descendre de la rue des Aures au Collège étaient quant à eux dotés d'une superbe pente glissante à souhaits sans doute initialement prévue pour d'autres marches. Là les cartons étaient à notre disposition, si l'envie nous venait d'emprunter cette voie express.... Dommage, je n'ai jamais essayé , je me contentais d'envier ceux qui s'amusaient sans relâche sur ces aires de jeux insolites....Dans les rues en pente de ces quartiers tous ces jeunes garçons avaient un talent fou pour confectionner avec des caisses et 4 roulettes des engins leur permettant de dévaler des centaines de mètres en un clin d'oeil. Ils avaient là inventé avant l'heure les planches à roulettes !....
Rues principales de Philippeville.
B
: Entrée des Allées Barrot
C : Début de la rue Clémenceau
bordée d'arcades
P : Entrée du port et fin de la rue
Clémenceau
E : Ecole Jules Ferry
EI : Ecole Indigène
TR: Théâtre
Romain
(et devant le Collège Emile Maupas)
7
: 7
Rue Mellet
+ :
Eglise Saint Cur de Marie
M : Place de la Marine ( ou Marqué )
G
: Rue Gambetta
A
: Rue d'Austerlitz
I : Les escaliers