LES EMIGRES
Le Bey de Constantine, au début du XIX ° siècle avait encouragé l'arrivée dans son pays des émigrés italiens et maltais. Ils excellaient dans certaines activités que les arabes n'aimaient pas. Après la conquête française, le Bey continue de préférer ceux qui n'étaient pas venus les armes à la main, et mes ancêtres faisaient partis de ces arrivants.
Dés 1839 de pauvres immigrants affluent du sud de l'Italie, notamment de la région de Naples, de l'île d'Ischia et de Malte. Des dizaines de balancelles italiennes et de barques maltaises coulèrent au large des côtes de cette nouvelle Philippeville. La grande bleue ne ménageait pas ses colères et les victimes des tempêtes n'étaient pas rares.
Fin 1839, après
10 ans d'Algérie Française, selon Augustin Bernard le pays comptait 25 000 européens.
La proportion des Français dominait à Alger avec 6800 individus cependant à Oran les
Espagnols avec 2500 personnes étaient les plus nombreux et à Bône la population
majoritaire affichait 1300 Maltais.
Cette répartition géographique initiale des européens perdurera toujours avec un afflux
non négligeable d'italiens sur l'Est du pays.
En Italie, à cette époque nous sommes dans la période du " Risorgimento " et le mot d'ordre est à la réunification , à la restauration et aux idées de liberté .Les complots et les insurrections ne manquent pas. En 1848 le pays arbore un seul drapeau mais comporte encore 7 parties. La pauvreté est de mise pour la région du Sud appelée le royaume des deux Siciles et le départ vers l'Algérie représente pour les audacieux une porte vers un avenir plein de promesses .
Les Italiens de Stora venus essentiellement de la région napolitaine et sicilienne sont réputés âpres à la tache. Ils sont qualifiés par la population comme infatigables, sobres et de surcroît particulièrement croyants et tout de même quelque peu superstitieux!. Leur peau déjà brûlée par le soleil de leur pays ne craint rien en Algérie. Les voiles de leurs "palangriers" égaieront longtemps les différents ports où ils ont accosté. Ce sont des marins intrépides et des pêcheurs gâtés par la fécondité de la rive méditerranéenne. La baie de Philippeville constitue un lieu de choix pour tous ces chercheurs de vie meilleure; tous pourtant n'ont pas la chance de posséder un bateau et certains sont évidemment contraints de délaisser Stora pour arpenter une campagne moins hospitalière!.
En 1896 l'Algérie compte 350 000 français, 36000 italiens, 13000 maltais. On notera qu'il existe aussi à la même époque une grande proportion d'espagnols: 157 000, mais implantés principalement dans l'ouest du pays.
Nous avons vu d'où provenaient la majoriré des italiens de la région Philippevilloise, mais pourquoi des Maltais?
Après l'invasion arabe de Malte en 870 les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem évitent celle de l'armée turque de Soliman. Bien plus tard, en 1790 Bonaparte qui rêve de conquérir l'Inde et pour cela d'abord l'Egypte envahit Malte qui deviendrait une base méditerranéenne idéale. L'ordre des chevaliers renonce à ses droits de propriété et de souveraineté mais l'empereur a besoin d'or et les soldats napoléoniens dépouillent les églises de ses trésors. Cette profanation n'est pas du goût des maltais, et en 1800 ce peuple profondément chrétien demande la protection des anglais. Malte connaît alors une période de prospérité qui entraîna une croissance trop rapide qui finalement engendra une crise profonde au début du 19 ème siècle. Des échanges maritimes en baisse et des échecs dans l'industrie du coton et de la soie contribuèrent aussi au déclin. L'émigration fut alors encouragée afin de limiter les dépenses de l'île et nos aïeux comme bien d'autres partirent pour "la Barbarie" à savoir : la Libye, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie !
Parlons aussi des espagnols et plus particulièrement des Minorquins car un soupçon de sang mahonnais coule dans mes veines.
L'île de Minorque est une île des Baléares ayant comme Malte subit les influences turques, anglaises et françaises. En 1802 en vertu du traité d'Amiens Minorque retourne à la couronne d'Espagne. En ce début du 19 ème siècle les habitants de Minorque pour survivre vont émigrer. De plus, en 1830 l'île accueille le corps expéditionnaire Français et Mahon devient alors une base de ravitaillement des troupes. Du même coup, des mahonnais s'installent aux abords d'Alger à Kouba ou Mustapha pour s'adonner à la culture des légumes et fruits qu'ils connaissent bien.
Les norias qu'ils retrouvent
pour l'irrigation ne les dépaysent d'ailleurs nullement car sur leurs anciennes
terres ils possédaient les mêmes élaborées à l'identique par les maures. Tout
l'environnement leur est familier !
Un
commerce actif débute entre l'Algérie et Minorque et des vaisseaux sillonnent
régulièrement la mer Entre 1830 et 1836 ce sont 9500 minorquins qui quittent leur pays
pour rejoindre la région d'Alger. Cela représente pas moins de 24 % de la population de
l'île! Ils se plaisent infiniment dans leur nouveau pays et finissent par créer
vers 1845 le village de Fort-de-l'eau . L'espace est un atout supplémentaire et la
Méditerranée omniprésente est propice au bien être
Ce sont tous ces peuples méditerranéens qui constituèrent les Pieds-Noirs d'Algérie.
Et Rien ne fut épargné aux premiers arrivés. Aprés leur départ du pays natal,
synonyme de séparation,il y eut les naufrages, les maladies et même un seïsme puisque
le 20 août 1856 un fort tremblement de terre endommage les récentes constructions. Le
combat pour la vie est quotidien mais le courage et la persévérance reste le maître mot
de tout ceux qui arrivent là afin d'élaborer une vie meilleure.
Mon ascendance est composée pour moitié d'italiens de la région de Naples et de Gênes
et pour le reste de Maltais venus des ïles de Gozo et de Malte auxquels on doit ajouter
un petit brin de minorquais ... Quel subtil mélange !
